Fin de projet: Phages contre les bactéries résistantes, vers de nouveaux traitements

Une collection de phages isolés des eaux usées genevoises ouvre la voie à la phagothérapie pour combattre les infections pulmonaires complexes.
Date de publication

L’existence préoccupante à Genève de clones virulents de la bactérie Klebsiella pneumoniae résistante à la famille d’antibiotiques beta-lactamine pose un défi de taille pour les traitements traditionnels. Responsable d'infections nosocomiales graves, voire mortelles, cette bactérie pourrait être efficacement combattue grâce à la phagothérapie, une méthode utilisant des virus bactériens, les phages, déjà employés contre des bactéries résistantes tel que le staphylocoque doré.

Le projet

En 2021, le Docteur Diego Andrey, Médecin chef de clinique au Service de médecine de laboratoire du Département diagnostique des HUG et le Professeur Patrick Viollier du Département de microbiologie et médecine moléculaire de la Faculté de Médecine de l’Université de Genève ont soumis leur projet pour le soutien de la Fondation privée des HUG.  Leur objectif: explorer l'utilisation de phages spécifiques comme solution thérapeutique contre des souches de Klebsiella pneumoniae résistantes aux antibiotiques. 

Les chercheurs ont récolté des phages dans les eaux usées des HUG et des centrales SIG de Bois-de-Bay et ont sélectionné ceux qui sont à la fois capables d'attaquer efficacement ces souches, tout en restant inoffensifs pour l'humain. Ils ont ensuite analysé les mécanismes d'infection utilisés par ces phages pour éliminer les bactéries. Ces phages ont ensuite été testés, seuls ou en combinaison avec des antibiotiques, contre les souches résistantes de Klebsiella pneumoniae.

Résultats clés

Ce projet, qui a livré son rapport final en mai 2024, a permis de significativement faire avancer la recherche sur la phagothérapie. En résulte une collection de plus de 140 phages isolés et carcatérisés qui ciblent la bactérie résistante aux antibiotiques Klebsiella pneumoniae.

Les chercheurs ont également mis en évidence que les bactéries cultivées en laboratoire peuvent parfois devenir résistantes à un phage et qu’il est possible de déjouer cette résistance en combinant plusieurs phages entre eux de manière ciblée.  

D’un point de vue clinique, trois phages issus de la collection ont déjà été envoyés dans d’autres centres (à l’Universitätsklinik Balgrist de Zürich et à l’Eliava Institute, Georgie), pour y être purifiés et produits afin de traiter de manière compassionnelle des patients atteints d’infections chroniques ou récidivantes à Klebsiella pneumoniae. Les combinaisons optimales de phages pour ces patients ont été déterminées grâce à l’expertise issue de ce projet.

Impact et prochaines étapes

Cette collection de phages et ces données sont capitales pour développer la phagothérapie à Genève et en Suisse. L’objectif principal à ce stade est maintenant de pérenniser cette banque de phages ainsi que l'expertise qui en découle. L’élaboration du traitement à l’aide de ces phages est un processus complexe au niveau biologique mais également au niveau des règlementations éthiques qui sont actuellement toujours en discussion. Si le bénéfice pour les patients est démontré, il viendra appuyer la nécessité de faire évoluer le contexte réglementaire Suisse afin de pouvoir proposer cette approche thérapeutique aux patients et patientes.

Les résultats de cette recherche ont été présentés lors de conférences internationales en Suisse, au Portugal et en Géorgie. Deux publications scientifiques sont en cours de rédaction.  

Pour en savoir plus sur le projet: The Geneva phage (GENPH) collection et sur d’autres avancées médicales rendues possibles à travers le soutien des donateurs et donatrices de la fondation, visitez notre page  Projets.  

Lire aussi:

- Les égouts genevois recèlent des trésors contre l’antibiorésistance (Le Temps, 23 septembre 2024)